• LES GRAND MAITRES AMERICAINS

     

     

    DU MAYFLOWER A PAUL MORPHY

     

     

    Si ce sont bien les Indiens qui ont inventé le jeu d'Echecs, il n'est pas question des Amérindiens !

    Le jeu d'échecs a été importé dans les premières malles venues d'Europe au XVIIe siècle.

    Si de grands hommes américains, comme Benjamin Franklin, s'adonnaient à ce divertissement, il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour voir apparaître les premières compétitions sur le sol des Etats-Unis.

     

     

    Celui qui donna aux échecs américains ses premières lettres de noblesse s'appelle Charles Stanley (1819-1901). D'origine britannique, Stanley remporta le premier match nommé « championnat des Etats-Unis » face au Français Eugène Rousseau.

    Installé aux USA depuis 1842, il tint la première chronique échiquéenne du journal The Spirit of the Times (1845-1848), dans lequel il publia les premiers problèmes d'échecs parus sur le continent. En 1846 il édita le premier magazine américain consacré aux échecs, le American Chess Magazine. Il publia la même année 31 Games of Chess, le premier livre américain consacré aux parties d'échecs. Puis Stanley organisa en 1855 le premier tournoi mondial de composition échiquéenne.

    Durant son match en 1845 face à Rousseau, un garçon de 8 ans regardait les parties. Son oncle était l'assistant de Rousseau. Ce gamin s'appelait Paul Morphy.

     

    Paul Morphy est le premier et, avec Bobby Fischer, le plus illustre champion américain.

    En 1850, à l’âge de douze ans, Morphy bat tous les meilleurs joueurs de la région, ainsi que tous les maîtres de passage. C’est ainsi qu’il bat 3-0 le maître hongrois Johann Löwenthal, classé quatrième joueur du monde l'année suivante par le site chessmetrics,com, alors en déplacement aux États-Unis pour des matches exhibitions.

    Il abandonne ensuite les échecs pour ses études. Diplômé en droit en 1857, mais trop jeune pour exercer, il reprend son activité échiquéenne, tout d'abord en remportant le championnat américain, puis en réalisant un voyage en Europe où il met à terre tous ses adversaires, mais l'officieux champion du Monde anglais Howard Staunton refuse de jouer contre lui. Pour tous ses contemporains, Morphy est sans conteste le meilleur joueur du monde.

    Il retourne ensuite à la Nouvelle Orléans. La guerre de sécession éclate. Anti-esclavagiste, et victime de troubles psychiques profonds, l'état de santé mentale de Morphy ne détériore et il ne joue plus de partie officielle. Cette étoile filante devient une légende pour tout amateur du roi des jeux.

     

    En 1863, le très fort joueur écossais George Mackenzie émigra aux États-Unis et remporta 3 congrès américains (1870, 1874 et 1880). Selon chessmetrics, Mackenzie est classé au début des années 1880 parmi les trois meilleurs joueurs du monde.

     

    Mais celui qui va porter haut les couleurs américaines les années suivantes s'appelle Harry Nelson Pillsbury…

     

    HARRY NELSON PILLSBURY

     

     

    Pillsbury n'apprit les règles du jeu qu'à seize ans, mais quatre plus tard, en 1892, il  fit sensation en remportant un match en deux parties contre le champion du monde Wilhelm Steinitz, qui lui avait fait l'avantage d'un pion. Dès ce moment, la réputation de Pillsbury se propagea comme une traînée de poudre, et il n'eut bientôt plus aucun adversaire à sa taille sur la scène des échecs new-yorkaise.

    Le club d'échecs de Brooklyn se cotisa pour payer son voyage en Europe, afin qu'il participe au tournoi d'Hastings 1895, qui opposait les plus forts joueurs d'échecs du moment. Le jeune homme de 22 ans passa à la postérité en remportant le tournoi, dépassant le nouveau champion du monde Emanuel Lasker, l'ex-champion du monde Wilhelm Steinitz, et leurs concurrents les plus sérieux (Mikhail Tchigorine, l'anglais Isidor Gunsberg, Siegbert Tarrasch, Carl Schlechter et David Janowski).

    Pillsbury fut alors invité à participer au tournoi fermé de Saint-Pétersbourg, tenu la même année : c'était un tournoi complet à six tours, opposant les premiers du tournoi d'Hastings (Pillsbury, Tchigorine, Lasker et Steinitz ; Tarrasch, prétextant des obligations professionnelles, déclina l'invitation). Il semble que Pillsbury ait contracté la syphilis juste avant le début du tournoi. Alors qu'il était en tête du classement à la première moitié du tournoi, il fut pris de céphalées violentes et ne marqua plus que 1,5 point sur 9 jusqu'à la fin de la manifestation, finissant troisième (Lasker 11,5/18, Steinitz 9,5, Pillsbury 8, Tchigorine 7). Il perdit une partie décisive contre Lasker, et Garry et  Kasparov suggère à ce sujet que s'il avait gagné, il aurait pu remporter le tournoi de Saint-Pétersbourg et contraindre Lasker à un match pour le titre mondial.

     

    En dépit de son état de santé, Pillsbury vainquit le champion américain Jackson Showalter en 1897 mais le titre de Champion des États-Unis n'était pas en jeu lors de ce match. En 1898, Pillsbury remporta un deuxième match explicitement indiqué comme le championnat des États-Unis. Il conserva le titre de champion américain jusqu'à sa mort en 1906. 

    Selon chessmetrics, Pillsbury fut parmi les cinq meilleurs joueurs du monde à compter de 1895, et prit même la place de #1 mondial à Lasker en 1903. 

    La dégénérescence qui accompagne les progrès de la syphilis l'empêchèrent par la suite de progresser autant qu'il l'aurait pu dans les compétitions. Les symptômes enregistrés au fil des années laissent supposer qu'il négligea de suivre un traitement. Il succomba à la maladie en 1906. Le monde des échecs regrettera toujours de n'avoir pu assister à un championnat du monde opposant Pillsbury à Lasker. Il semble que ce dernier n'y tenait pas beaucoup.

     

    La mort de Pillsbury mit en lumière un autre champion américain : Franck Marshall, de cinq ans son cadet...

     

    FRANCK MARSHALL

     

     

    Champion des États-Unis de 1909 à 1936, Marshall fut le premier américain (Steintiz était d'origine allemande) à jouer un championnat du monde. En 1907, il est défait par Emanuel Lasker  4,5 à 11,5 (-8 =7 +1). Le match s'est déroulé à New York, Philadelphie, Washington DC, Baltimore, Chicago et Memphis.

    Après ce match, Marshall ne parvint pas à inscrire de « super-tournois » à son palmarès. Il échoua au tournoi de San Sebastien (4e) en 1911, au tournoi de St Petersbourg (5e) en 1914. Ce fut au cours de son séjour européen qu'il obtint sa meilleure place mondiale (selon chessmétrics) : second, derrière Akiba Rubinstein. 

    La Première Guerre Mondiale le contraignit à rentrer aux Etats-Unis.

    En 1915, Marshall ouvrit le célèbre Marshall Chess Club à New York.

    Il continua sa carrière, en participant notamment au tournoi de New York (4e) en 1924 et celui de Moscou (4e) l'année suivante.

    En 1927, à cinquante ans, Marshall revint en Europe et finit troisième sans défaite (+4 =7) du tournoi de Londres 1927.

    Dans les années 1930, Marshall fut le capitaine de l'équipe américaine à quatre olympiades d'échecs. : médailles d'or en 1931 à Prague, en 1933 à Folkestone, en 1935 à Varsovie et en 1937 à Stockholm, succès qui ne furent plus répétés ensuite : l'équipe d'URSS qui ne participait pas aux olympiades à cette époque entra dans la compétition après la Seconde Guerre mondiale.

     

    En 1936, après avoir été le champion national pendant 29 ans, il remet son titre en jeu dans un tournoi sponsorisé par la fédération américaine à New York. Le trophée était fourni par le Marshall Chess Club, et Samuel Reshevsky sortit vainqueur du tournoi.

     SAMUEL RESHEVSKY ET REUBEN FINE

     

    Reshevsky apprit à jouer aux échecs à l'âge de 4 ans et est reconnu comme un joueur prodige. À 9 ans, en 1920, sa famille déménage aux États-Unis dans le but de profiter financièrement du talent de l'enfant.

    La carrière de Reshevsky aux États-Unis commença par une victoire au championnat open national à Tulsa en 1931.

    Il s'installe parmi l'élite mondiale après sa victoire sur Marshall.

    En 1938, il partage la quatrième place au tournoi AVRO où s'affrontaient probablement les huit meilleurs joueurs mondiaux. Il est classé par chessmetrics troisième joueur du monde en fin d'année.

    Reshevsky a remporté le championnat d'échecs des États-Unis à sept reprises (1936, 1938, 1940, 1941, 1942, 1946 puis il regagna le championnat en 1969).

    Après la Seconde Guerre Mondiale, Reshevsky participe, en 1948, au championnat du monde des échecs tenu à La Haye et Moscou. Il termine troisième ex æquo avec Paul Keres, derrière Mikhaïl Botvinnik et Vassily Smyslov.

    Durant les années 30-40, il était en concurrence avec son compatriote Reuben Fine.

     

     

    Né à New York en 1914, Diplômé du City College de New York, Fine décide de devenir joueur professionnel d'échecs pendant quelques années. Il apprend à jouer en tournoi au Marshall Chess Club à New York, club célèbre qui compta plus tard parmi ses membres un certain Bobby Fischer.

    Dans les tournois aux États-Unis, il est souvent précédé par Reshevsky, par contre, ses performances internationales sont meilleures.

    En 1938, Fine termine premier ex-aequo avec Paul Keres au tournoi AVRO qui réunit l'élite mondiale (cependant Paul Keres est déclaré vainqueur car il a un score positif contre Fine dans ce tournoi). Fine termine devant Botvinnik, Alekhine (en gagnant les deux parties), Euwe, Capablanca, Reshevsky et Flohr. Cependant, les conflits qui précèdent la Seconde Guerre mondiale suspendent les tournois internationaux de haut niveau.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, il travaille pour la marine américaine, sur des systèmes destinés à calculer la position des U-boot lorsqu'ils font surface.

    En 1941, Fine publie Basic Chess Endings, un compendium d'analyses de fins de partie encore considéré, plus de 60 ans après sa publication, comme l'un des meilleurs. Son ouvrage The Ideas Behind the Chess Openings s'attarde à détailler les idées qui sous-tendent les ouvertures, plutôt qu'à mémoriser les séquences de coups. Chessmetrics le classe alors à la seconde place mondiale derrière Mikhaïl Botvinnik.

    Après la guerre, Fine achève à l'université de la Californie méridionale son doctorat en psychologie, il abandonne la compétition, et se concentre sur sa nouvelle profession. Son dernier tournoi majeur se déroule à New York en 1951, où il termine premier.

    En 1957, ces deux joueurs verront leur éclat terni par l'éclatante entrée en matière d'un jeune prodige de 14 ans, Robert James Fischer…

     

     

     ROBERT JAMES FISCHER

    Bobby Fischer apprend les échecs tout seul à six ans. Sa mère l'inscrit ensuite au Brooklyn Chess Club et il participe à son premier tournoi à l'âge de dix ans. Bobby remporte en 1956 le championnat des États-Unis junior, puis le championnat national deux ans plus tard, à 14 ans.

    Fischer est dès l'âge de 16 ans candidat au titre mondial, mais n'a pas la réussite escomptée. Lors du tournoi des candidats de 1962, il dénonce la collusion entre les trois premiers du tournoi (tous du bloc soviétique) qui auraient conclu de courtes parties nulles entre eux pour préserver leur énergie contre lui. La FIDE change les règles du cycle de qualification en organisant des matches plutôt qu'un tournoi.

    En 1967, Fischer se retire du tournoi de qualification, qu'il domine largement, car il refuse d'affronter consécutivement plusieurs joueurs soviétiques sans avoir de jour de repos.

    En 1970, il est repêché, grâce à un désistement de dernière minute, pour disputer le tournoi qualificatif. Après un très bon départ il subit une petite baisse de régime, mais se ressaisit magnifiquement sur la fin en remportant ses 7 dernières parties (dont l'ultime par forfait) pour gagner le tournoi avec 3,5 points d'avance sur ses plus proches poursuivants. Puis il écrasa le Soviétique Mark Taimanov et le Danois Bent Larsen par 6 à 0 en match, avant de vaincre l'ancien champion du monde Petrossian par 6,5 à 2,5. Fischer a établi une série de 20 victoires consécutives en partie officielle, un record à ce niveau.

    À l'issue d'un match mémorable en Islande qui tient le public en haleine, autant pour les parties que pour les péripéties hors compétition (menace de Fischer de ne pas participer, son forfait lors de la deuxième partie, ses exigences sur le placement des caméras ou le contact avec le public, etc.., il devient champion du monde à l'été 1972, en battant assez facilement le Russe Boris Spassky, champion du monde sortant. Ce succès, largement médiatisé, met temporairement fin à la très longue ère de domination soviétique sur le monde des échecs, et est un tournant dans la compétition entre les États-Unis et l'U.R.S.S. en pleine guerre froide.

    Il disparaît ensuite complètement du monde échiquéen pour réapparaître en 1992 pour un match revanche contre Boris Spassky, match que les organisateurs et Fischer qualifient abusivement de Championnat du monde, Fischer prétextant ne jamais avoir perdu son titre de 1972 sur l'échiquier. Ce pseudo-match se tient en Yougoslavie alors en pleine guerre civile et sous embargo des États-Unis. Il est alors poursuivi dans son propre pays pour violation de l'embargo et également pour fraude fiscale.

    En 1996, il crée une variante du jeu d'échecs : les échecs aléatoires Fischer ; il refuse depuis de jouer une partie qui ne se déroulerait pas selon ses règles.

    Il séjourne ensuite plus ou moins clandestinement dans divers pays (la Hongrie, les Philippines, l'Argentine et le Japon). Il y fait quelques brèves apparitions médiatiques pour des déclarations antisémites très controversées, notamment à l'occasion des attentats du 11 septembre 2001. Il est arrêté en juillet 2004 à l'aéroport de Tōkyō pour défaut de passeport (son passeport américain étant périmé), et placé en détention. En octobre 2004, il demande l'asile politique à l'Islande, lieu de la conquête de son statut de champion du monde. Il est immédiatement libéré lorsque la citoyenneté islandaise lui est accordée en mars 2005 et il peut rejoindre ce pays. Il meurt en 2008, d'insuffisance rénale, en refusant de se soigner. Sic transit mundi gloria…

     APRES BOBBY...

     

    Après des décennies de forts joueurs, les Etats-Unis vont subir une pénurie de talents.

    Walter Browne remporte bien six titres de champion national, mais il n'ira jamais au-delà de la 27e place mondiale (fin 1975).

    Yasser Seirawan (14e), Larry Christiansen (27e) ou Joel Benjamin (42e) sont également de très bons joueurs, mais ne peuvent prétendre au titre mondial.

    Devant cette pénurie, et avec la fin de la guerre froide, les USA voient affluer des joueurs de l'école soviétique. Gata Kamsky, Boris Gulko, Alexander Shabalov, Alex Yermolinsky vont truster les titres nationaux, sans toutefois donner de l'espoir dans un renouveau des jeunes talents américains. Devant ce vide, un jeune garçon nippo-américain va redonner des couleurs à l'Amérique : Hikaru Nakamura...

     HIKARU NAKAMURA

     

     

    Hikaru Nakamura est né au Japon d'un père japonais et d'une mère américaine. Il part vivre aux États-Unis avec ses parents à l'âge de 2 ans, et débute les échecs à 7 ans. En 2003, à l'âge de 15 ans et 79 jours, il obtient le titre de GMI, battant de trois mois le record de précocité de Bobby Fischer et devenant ainsi le plus jeune Américain à conquérir ce titre.

    Nakamura remporte le titre de champion des États-Unis en 2005. Au 1er septembre 2009, il est le 16e joueur mondial, et, pour la première fois, le 1er américain (à la suite de la chute au classement de Gata Kamsky).

    En janvier 2011, il remporte son premier tournoi majeur en terminant devant le champion du monde Viswanathan Anand et le numéro un mondial Magnus Carlsen au tournoi de Wijk aan Zee.

    En 2015, Nakamura remporte le Festival d'échecs de Gibraltar et le tournoi d'échecs de Zurich (Zurich Chess Challenge). Grâce à ces performances, il est le troisième joueur mondial en mars 2015 avec un classement Elo de 2 798. En juillet 2015, après sa deuxième place au tournoi Norway Chess à Stavanger, son classement Elo atteint 2 814 points, ce qui constitue son record personnel.

    Nakamura remporte son second open de Gibraltar en 2016.

    Mais Hikaru n'est plus seul. Un jeune Italo-américain l'a rejoint au sommet de la hiérarchie : Fabiano Caruana.

     

    ...ET FABIANO CARUANA !

    De culture américaine, mais né en Floride d'une mère italienne, Caruana est italien quand il reçoit le titre de grand maître international en 2007, peu avant ses quinze ans, devenant le plus jeune joueur italien à obtenir le titre.

    En 2002, il se fait remarquer lorsque, à l'âge de 10 ans, il remporte à New York la victoire contre le grand maître international Aleksander Wojtkiewicz.

    Le 4 décembre 2007, il est couronné champion d'Italie, titre conservé l'année suivante puis en 2010.

    Cette année-là, Caruana remporte le Festival d'échecs de Bienne. En 2012, Fabiano Caruana remporte le tournoi d'échecs de Dortmund, puis en 2013, il remporte le tournoi de Zurich. L'année suivante, il gagne pour la deuxième fois le tournoi de Dortmund.

    Lors de la deuxième édition de la Coupe Sinquefield en 2014 à Saint-Louis (Missouri), confronté aux meilleurs mondiaux, Caruana termine invaincu avec 8,5 points sur 10, dont 7 victoires lors des 7 premiers matches.

    En 2015, Caruana termine premier du Grand Prix FIDE 2014-2015 grâce à ses victoires aux tournois de Bakou en octobre 2014 et de Khanty-Mansiïsk en mai 2015 et se qualifie pour le tournoi des candidats 2016.

    En juin 2015, il remporte pour la troisième fois le tournoi de Dortmund et prend la nationalité américaine. 

     

    sources : chessmetrics.com, Wikipedia 


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